Kekseksa les microévènements ?
Décrire un évènement contemporain de la visite effectuée, auquel vous avez été mêlé-e- d'une façon ou d'une autre.
Après
la visite avec Olivia
Avec
Olivier Salon.
Un
brin de laine dépasse du bonnet gris moucheté d’Olivier Salon,
quand il expose la consigne du « microévènement ». Qui
a tiré sur ce morceau de laine pour le faire s’extraire du bonnet
comme un ver sort d’une pomme après qu’il n’y a plus rien à
manger à l’intérieur ? Ce brin de laine a pris la couleur du
cerveau du poète. Il en est un fragment, un résumé, une bouture.
Il est sorti rapidement, peu gêné qu’il était par la chevelure.
Il a quelque chose à me dire : un fragment de poème qui dit :
Sait-on
d’où je reviens ?
je
relève de la grippe.
Ce
que j’ai traversé
aucune
autre bête ne l’aurait traversé.
Jacques
Jouet
Microévènement
Je
regarde sur ma droite des tableaux à l’intérieur d’une galerie
d’art en me demandant si ça vaut le coup d’y rentrer, il y a un
grand visage féminin, l’air effrayé peint en vert. Devant un bus
jaune est arrêté au milieu de la rue qu’il bloque. Sur mon
trottoir, celui de droite, un grand homme aux cheveux gris apostrophe
crie : » ton fils a failli se faire écraser, c’est
sérieux. » Il fait un geste énervé. Il me semble qu’il
s’adresse à l’homme qui est devant, cheveux courts, jean, veste.
Celui-ci vire vers moi en sortant un trousseau de clés de sa poche
et verrouille la porte de la galerie aux grands tableaux pop dont je
léchais la vitrine, celui qui me dépasse pour monter dans une jeep
rouge qui démarre. Pourquoi ne rejoint-il pas son fils ? Et cet
enfant, il a quel âge ? Le bus n’a pas bougé, je ne vois
toujours rien... L’homme aux cheveux gris est remonté sur le
trottoir puis il traverse devant le bus, il disparaît derrière.
Mais que s’est-il réellement passé, à qui parlait-il ?
Était-ce à son fils ? En heurtant mes semelles sur les pavés
disjoints qui forment tous les trottoirs de Bruxelles, je dépasse le
bus sur la droite sans rien voir. Il démarre lui aussi mais je ne me
retourne pas.
Mar Bikx
Dans la rue grise à l’arrêt stoppé, le bus,
il a failli être fatal à l’enfant.
Oui, c’est très sérieux quand on est écrasé !
Mais où est donc passé le père de l’enfant,
inconscient de cette rue où roulent les bus ?
Moi en marchant je n’ai vu aucun enfant,
sur les trottoirs des ordures écrasées.
Il réussit à bloquer la rue, ce bus.
Le poids du temps crée un effet écrasé,
que l’on ne sent pas quand on est un enfant.
Dans la ville telles des fourmis écrasées
étourdies, à la merci du moindre bus,
grouillantes et affolées comme des enfants,
qui ne veulent surtout pas rater leur bus.
Tournent les aiguilles des minutes écrasées.
Camille
Philibert
Microbe évènement
Sul’ trottoir
D’lav’nue dezArts
Je croiz la limouzin’
- longue comme un bus articulé,
Limousine (blanche), vitres (fumées
Ou est-ce l’inverse
Macro, micro évènement ?
Allez-savoir
Le Pape se rend chez Van Rompuy ?
Ou le chauffeur va au contrôle
technique ?
Résoudre l’énigme : attenter
patissièrement sur la carosse-série…
Jean-Michel Pochet
Microévènement
Résolue
à me rendre dans la ruelle où trône Jeanneke pisse pas, je
trébuche et parviens à m’arrêter à quelques mètres d’un
tuyau d’arrosage abandonné dans la rigole, inerte. Nous nous
regardons un instant. Je lui souris et il me répond en crachant de
l’eau sur mes chaussures. Je fais un bond en arrière, terrifiée
par la découverte de l’humanité de cet objet que je croyais
n’être qu’un objet mais qui, manifestement, est bien plus qu’un
objet. Je tente de l’apprivoiser mais m’approche un peu trop
rapidement. Il sursaute à son tour en un jet d’eau plus long que
le premier. C’est positivement étrange. Le pauvre est étalé de
tout son long et animé de spasmes vitaux émouvants. Voulant l’aider
à se déplacer vers un endroit plus chaud et plus sec que cette
sombre ruelle, je suis son corps maigre jusqu’à la base. Un homme
est penché sur lui. Il l’embobine et chaque tour fait frissonner
mon ami. Je voudrais lui dire d’arrêter mais un détail me laisse
sans voix. Cet homme est penché sur l’enrouleur. Très penché.
Très très penché. Trop penché. Il dévoile bien plus de choses
qu’on ne voudrait en voir. Je me demande si jeter une pièce dans
le bassin de Jeanneke porte autant de chance que de glisser un sou
dans la fente offerte de ce gros monsieur.
Mar Bikx
Laurence
Magnée
Microévènement-poubelle
La
poubelle du Palais des congrès, de style classique « poubelle
d’extérieur de coin de rue de capitale, européenne ou pas
européenne, mais en tout cas de capitale de l’hémisphère Nord,
quoique… en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud ou…,
plutôt de capitale de pays développé, du Nord ou du Sud, de
l’Ouest ou de l’Est », la poubelle du Palais des congrès,
DONC, est emmitouflée dans un sac-poubelle noir enfilé à l’envers
sur la poubelle de style classique, etc. Le sac-poubelle est, lui
aussi, de style classique, néoclassique du XXIe
siècle, capacité 150 litres, vendu en rouleaux de dix unités dans
tous les supermarchés des capitales européennes ou non.
La poubelle du Palais des
congrès doit-elle être protégée du gel ? Elle-même ou son
contenu ? D’expérience, tout un chacun sent bien que le
contenu est certainement gelé. On imaginerait bien les gisants des
restes de tarte qui se sont esclaffés sur Sarko, gelés momifiés
pour l’éternité…
Mais pour l’heure, quel
commun des flâneurs passant par là oserait-il profaner ce secret en
arrachant le sac-poubelle qui tremble sous les rafales de vent glacé,
même sous le prétexte impérieux d’y enfouir un kleenex en
lambeaux roulé en boule au fond de sa poche
douillette ?
Josiane
Thibault
Ce matin, ces
farceurs d'entarteurs,
nous en ont mis plein les
yeux.
Nous narrant les exploits
des concombres croisades.
Nous nous sommes nourris
de leurs récits épiques
Même les bâtiments,
nous les avons vus,
d'ordinaire
stoïques, frissonnaient de stupeur
- et pas qu'à cause du
vent.
Nous buvions leurs
paroles ardentes,
(osée, la dose
d'épices!)
réchauffant nos
instincts rebelles.
Mais nous faire mijoter
dans le froid,
nous a surtout ouvert
l'appétit !
C'est alors qu'à midi,
leurs complices ont sévi.
Pas de tartes en pleine
face,
ce fut plus subtil que
ça,
moins attendu, encore
plus fourbu...
Une vague se propage dans
la rue que nous traversons,
et traverse à son tour
nos narines alertes.
La douce odeur qui
s'échappe des boulangeries nous embaume,
jusque dans notre
intimité, par nos nasaux, infiltrés.
Écoutez leur parfum qui
clame :
Engauffrez ! Engauffrez !
Ces encapuchonnés affamés !
Élise Gauthier
Matongue,
inodore, sans Africains, sans personne d’ailleurs, boutiques
fermées, ciel gris. Un homme marche devant moi. Je vois la peau de
son crâne, il palpite. Je le suis parce que nous allons dans la même
direction, semble-t-il. Il tient un sac en plastique dans sa main
droite.
Tout
à coup, il avise une poubelle jaune, il y jette négligemment le sac
qui l’encombre.
Je
ne respire plus: du plastique dans une poubelle jaune !
Je
retiens la réprimande qui me monte aux lèvres, je me dis que ce
n’est pas mon affaire, je me dis: “on est dimanche”. Je me dis:
” Il n’est pas d’ici, il ne sait pas”.
Je
ne me dis plus rien.
Je
reprends la route que je n’ai d’ailleurs jamais interrompue.
Michelle Poznantek
La
justice en négatif
Palais
de justice
Un
avocat de dos aux marches du palais
Il
parle à son client, un homme noir qui lui fait face.
Au-dessus
de son épaule pend l’écharpe noire de sa robe d’avocat.
L’avocat
a des cheveux blancs très courts, crêpus. Il se retourne :
c’est un noir albinos.
Françoise
Guichard
Il
est totalement dissimulé, enfoui sous un bonnet de laine, sous un
duffle-coat épais. Ses jambes graciles gainées d’un blue-jeans le
portent à peine : on le sent. Il est malade mais affronte avec
courage et avec bonne humeur le froid et le vent du matin. Et il
trouve la force, malgré la faiblesse de son état, de donner une
consigne, en vue des exercices d’écriture de l’après-midi :
« Noter, au fil de la promenade, quelque chose de drôle,
d’inattendu, non pas une chose banale et éphémère, mais quelque
chose d’insolite, juste un peu plus inhabituel que l’éphémère
quotidien ».
C’est
ce qu’il appelle un « MICROÉVÈNEMENT ».
A
peine a-t-il fini sa phrase, Olivier, le voilà qui tousse !
Est-ce
cela un… MICROBE ÉVÈNEMENT ?
Wana
C’est,
à n’en pas douter, une chose inattendue. Qui va devenir, de
microévènement, un macro-sujet d’écriture : tout le monde a
vu cette botte orpheline, qui bat le trottoir, solitaire, à l’angle
de la rue Balliard et de la rue de l’industrie.
Wana
« Ceux-là,
je les fais payer, dit-il, c’est dix euros ! »
Jan
s’apprête à écrire sa dédicace sur le calendrier illustré de
photos de lui, nu, sans slip, que lui présente Jean-Michel.
Jean-Michel
pense que Jan est un plutôt gonflé de lui demander de payer pour
une dédicace sur l’exemplaire du calendrier qu’il avait acheté
la veille…
Wana
Sur
la Chaussée de Wavre, un clocher
C’est
l’église du Saint-Sacrement
De
la brique crue, une bâtisse
Avec
un parvis plat de ciment
Et
sur la porte un texte affiché
Jaune
pour capter l’œil des passants
Il
détaille l’heure des offices
En
néerlandais et en français
Par
l’entrebâillement, je me glisse
Et
je m’approche tout doucement
Au
fond de la nef, je vois le Christ
Bras
en croix et la tête penchée
Suspendu
dans l’air, au firmament
Point
de croix de bois pour l’accrocher
Ni
clous pour infliger son supplice.
Wana
Récit d’un microévénement
L’homme
a une trogne digne de celles qu’on vient de voir sculptées en
bas-relief sur le « monument aux vivants » de la rue du
Faucon. Sauf qu’il ne rit pas du tout. Songeur, voire triste, il
est accoudé à quelque chose qui ressemble à une carriole de
marchande de quatre saisons, mais vide de tout contenu, vide comme
son regard. Jacqueline lui adresse pourtant la parole : —
« C’est vous qui vendez des caricoles ? » Stupeur
de l’homme à la trogne, dont la mâchoire tombe, découvrant une
langue épaisse. Il n’a pas le temps de répondre, un passant qui
passe le fait à sa place : « Elle n’est pas là »,
dit-il, « son mari est décédé ». Plus tard, Jacqueline
m’apprend que la caricole est un gros escargot de mer, plus gros
encore qu’un bulot.
Élisabeth
Chamontin
Dans
le palais des Congrès, un vent chaud nous change du dehors. Nous
écoutons Noël, en plein mois de mars. Sur le chemin, il nous avait
confié qu’il était surveillé : coups de téléphone et
« mail ». Mon regard est attiré par des voix. Deux
espions déguisés en ouvriers parlent dans une langue qui m’est
inconnue et font semblant de réparer les escalators (qui,
paradoxalement, sont en marche). Un troisième et dernier larron fore
en équilibre, plus haut, mais il ne regarde pas ce qu’il fait :
il nous observe.
Laurence
Magnée
Lundi 18 mars 2013 : un micro-évènement
Galeries Saint-Hubert, lundi matin, un
aspirateur ronronne, une touriste japonaise se photographie, un
troupeau erratique d'Oulipiens épuisés cherche une occasion de se
rebeller.
Le soleil à travers la verrière
écailleuse illumine ces damnés de la terre quand, levant le nez du
sol une malheureuse tâcheronne de la balade du matin ( 3 heures au
moins, jour après jour, même le dimanche !) aperçoit, se découpant
en ombre chinoise sur une fenêtre du haut deux silhouettes noires.
Elles semblent avoir une conversation qui se termine par un geste
montrant quelque chose là vers la gauche. Seraient-ce Karl Marx et
Victor Hugo qui veulent nous livrer un message, s'interrogent nos
forçats du travail culturel.
Renseignement pris auprès de leur
Greeter, il s'avère que la direction indiquée est celle d'une
librairie de la Galerie des Princes. Tiens, tiens, une librairie, les
dos se redressent, les Oulipens vont à la découverte de leur
nourriture préférée, vitrine par vitrine, ils commentent,
apprécient, momentanément délivrés de leur boulet.
Une exclamation fuse : « venez voir
! » et notre attention est attiré par un livre trônant sur un
lutrin,
la couverture est bigarrée, au milieu,
bien en évidence, en caractères gras un « 50 » et les
forçats de s'exclamer « ça alors,! » .
50 oui, 50 quoi, à votre avis? 50
nouvelles nuances de porno soft? pfuuit, non, une traduction en
espéranto d'Ali Baba et les 50 voleurs ?, pas plus, un album photo
dédié aux stars américaines des années 50?, mais non, mais non,
vous ne devinerez jamais.
Je vous imagine tous agacés: «
sans intérêt sa petite devinette », ne parlez pas trop
vite, je vous le dis ou je vous le dis pas ?
Vous l'aurez voulu, vous ne saurez donc
pas que la couverture annonçait...
50 ANS
D'OULIPO.
Rires, congratulations, voilà les
esclaves de l'écriture réconciliés avec la vie, prêts à aller
apporter un soutien inconditionnel et néanmoins rebelle aux
valeureux Egmont et de Hornes.
Cécile Schouten
Rina
croit qu’elle aura une amende
Rina
craint l’amende
Rina
court pour éviter l’amende
Rina
revient et raconte
On
croit qu’elle parle d’un amant
d’un
amant au beau visage de Saint Jean
ou
peut-être de saint Michel descendu
du
haut de la tour de l’hôtel de ville
Mais
saint Michel n’est pas beau comme saint Jean
Il
n’est plus en hauteur, il n’est pas à la hauteur,
Rina
ne veut plus de lui comme amant
Rina
n’a plus d’amant
Rina
n’a pas eu d’amende
Élisabeth
Biront