Réponse à la
question « Pourquoi un des martyrs de la révolution a-t-il eu
droit à deux inscriptions de son nom sur la stèle de la crypte de la Place des Martyrs? »
Jean-Baptiste Maes
Oui, j’ai fini ma vie
dans la peau d’un martyr
Et mes restes reposent
sous une sombre stèle.
Ah ! Lorsque l’on
est mort, comme le temps s’étire !
Quand on est couché là,
ce n’est pas un hôtel.
On n’en sort plus
jamais. Tout est cuit, c’est fini !
Pour la postérité, vous
n’êtes plus qu’un nom.
Et cela, voyez-vous,
c’est la grande avanie :
De moi qu’on se
souvienne aussi peu. Ah, ça... non !
Alors, la nuit tombée,
j’ai œuvré dans mon coin.
Deux fois à la suite sur
la pierre bombée
J’ai gravé mon nom
MAES pour qu’on ne m’oublie point
Et merde à qui le lit !
Qu’il en soit perturbé !
Françoise
Guichard
Le
pauvre Jean-Baptiste Maes n’avait jamais réussi à parler
correctement. Il était devenu bègue à la suite de la frayeur que
lui avait causé, à l’âge de dix-huit mois, le spectacle de sa
maison en flammes et la mort tragique de ses parents. Aussi, quand
ses copains le poussèrent devant le recruteur, il ne pur articuler
que « mbe mbe mbe », ce qui fut pris comme un acte
d’engagement méritoire. Au premier ennemi qui le mit en joue, il
eut un geste nerveux et appuya deux fois sur la détente. Les balles,
suivant une trajectoire divergente, tuèrent deux Hollandais. Aussi
fut-il décoré deux fois de la croix de fer, et fêta-t-il la chose
en sacrifiant à Gambrinus. Reparti sur le champ de bataille, il s’y
écroula ivre mort et fut compté parmi ceux-ci. Se réveillant à la
morgue avec un terrible mal de crâne, il repartit aussi sec au
combat, où il attrapa la première balle qui passait par là. On le
reconduisit à la morgue où il fut compté pour la deuxième fois.
C’était un type qui en valait deux.
Élisabeth
Chamontin
Jean-Baptiste
Maes était sur les barricades de Bruxelles en 1830. Il se prit un
boulet en pleine poire, un soir de malheur et pourtant, il en valait
bien deux... Il s’en était tant vanté auprès de ses amis, dont
le graveur sur pierre officiel chargé d’éterniser l’évènement,
que celui-ci lui rendit cet hommage discret autant qu’ésotérique...
Mais
non ! Jean-Baptiste Maes, occis le 19 juillet 1830 dans le parc
de Bruxelles, avait un frère jumeau, Jules-Bernard Maes, qui fut tué
le lendemain. Le graveur chargé d’alimenter la stèle
commémorative, ayant bu quelques bouteilles de Maes de trop, ce
jour-là, ne se rendit compte de rien et grava distraitement deux
fois le même nom.
Henry
Landroit
Pourquoi
Jean-Baptiste Maes, l’un des martyrs de la révolution, a-t-il eu
deux fois son nom gravé sur la stèle ?
On
peut attester qu’ils étaient plusieurs…
Plusieurs
graveurs chargés de graver, je veux dire…
Et
cette fois-là, la personne qui avait préparé leur travail avait
constitué plusieurs listes de noms, qu’elle avait reproduits en
lettres capitales romaines sur plusieurs feuilles : sans doute
trois listes, peut-on estimer.
Mais,
ainsi que cela arrive à nombre de tabellions qui officient dans de
nombreuses mairies, celui-ci n’était pas infaillible.
S’étant
interrompu à la fin de la première liste, pour aller déjeuner, il
avait coché le nom de Jean-Baptiste Masse comme étant le dernier
recopié sur le premier programme de travail qu’il venait de
terminer, et qu’il remettrait le lendemain au premier de trois
graveurs de service.
A
son retour de déjeuner, il avait repris son travail en constituant
un deuxième programme de travail destiné au deuxième graveur de
service pour le lendemain. Il avait, en conséquence continué à
transcrire en lettres capitales romaines, les noms des martyrs, en
commençant par celui qu’il avait marqué comme étant le prochain
nom à reproduire.
Et
c’est ainsi que le nom de Jean-Baptiste Maes fut transcrit deux
fois.
Nous
avons pu reconstituer cet épisode de la création de la stèle des
Martyrs et il a été possible de découvrir, lors de cette
recherche, qu’un autre nom avait été recopié deux fois sur des
listes de travail différentes : celui de Albert-Justinien
Bloommaert. Cette deuxième erreur de transcription s’était
produite au moment de la pause du goûter.
Toutefois,
comme les graveurs travaillaient en 3 x 8, cette erreur aurait dû
être exécutée lors de la relève du deuxième graveur par le
troisième.
Fort
heureusement, ce jour-là, le syndicat des graveurs avait organisé
une grève des graveurs. Et le troisième graveur ne prit pas son
service.
Wana
Depuis
l’aube du christianisme, le culte des martyrs a, il faut le savoir,
donné lieu à une multiplication exponentielle de reliques en tous
genres. Ainsi, Sainte Julienne a-t-elle eu jusqu’à quarante têtes,
toutes reconnues authentiques par le Vatican, qui à certaines
époques n’était pas regardant. Pourquoi en serait-il autrement de
la glorieuse Révolution belge de 1830, sachant que cette révolution
était sanctifiée et bénie par la Sainte Église catholique,
apostolique et romaine ? Ce qui est donc surprenant, c’est
plutôt que Jean-Baptiste Maes, de Bruxelles, soit le seul dont la
dépouille mortelle se trouve simultanément en deux endroits
différents, derrière deux stèles situées à quelques mètres
l’une de l’autre, et dont chacune porte son nom. Cette exception
pose évidemment problème. Un seul cas ? C’est louche.
À mon avis, si on fait un jour l’inventaire des corps reposant derrière les stèles, et même en tenant compte
À mon avis, si on fait un jour l’inventaire des corps reposant derrière les stèles, et même en tenant compte
1°)
de l’absence avérée du Duc de Mérode, dont le nom figure
pourtant sur une plaque, ce qui pourrait bien dissimuler un autre
martyr dédoublé,
2°)
du fait que des enfants jouant sur le chantier auraient éparpillé
au hasard quelques ossements,
en
bonne logique on devrait se retrouver non en face de 466 cadavres
plus ou moins entiers, mais de 800 ou de 1000, voire beaucoup plus.
À
moins qu’il ne s’agisse d’un parfait homonyme, Jean-Baptiste
étant un prénom des plus communs, et Maes un nom fort répandu.
Quant au fait d’être natif de Bruxelles, ce n’est même pas un
critère.
À
moins que le brasseur Maes ait participé au financement de la stèle,
et/ou à l’approvisionnement en boissons des graveurs,
À
moins que…
Irène
Rusniewski
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