samedi 6 avril 2013

Énigme


Réponse à la question « Pourquoi un des martyrs de la révolution a-t-il eu droit à deux inscriptions de son nom sur la stèle de la crypte de la Place des Martyrs? »


Jean-Baptiste Maes
Oui, j’ai fini ma vie dans la peau d’un martyr
Et mes restes reposent sous une sombre stèle.
Ah ! Lorsque l’on est mort, comme le temps s’étire !
Quand on est couché là, ce n’est pas un hôtel.

On n’en sort plus jamais. Tout est cuit, c’est fini !
Pour la postérité, vous n’êtes plus qu’un nom.
Et cela, voyez-vous, c’est la grande avanie :
De moi qu’on se souvienne aussi peu. Ah, ça... non !

Alors, la nuit tombée, j’ai œuvré dans mon coin.
Deux fois à la suite sur la pierre bombée
J’ai gravé mon nom MAES pour qu’on ne m’oublie point
Et merde à qui le lit ! Qu’il en soit perturbé !

Françoise Guichard
Crypte de la Place des Martyrs (Cliquer pour élargir)

Le pauvre Jean-Baptiste Maes n’avait jamais réussi à parler correctement. Il était devenu bègue à la suite de la frayeur que lui avait causé, à l’âge de dix-huit mois, le spectacle de sa maison en flammes et la mort tragique de ses parents. Aussi, quand ses copains le poussèrent devant le recruteur, il ne pur articuler que « mbe mbe mbe », ce qui fut pris comme un acte d’engagement méritoire. Au premier ennemi qui le mit en joue, il eut un geste nerveux et appuya deux fois sur la détente. Les balles, suivant une trajectoire divergente, tuèrent deux Hollandais. Aussi fut-il décoré deux fois de la croix de fer, et fêta-t-il la chose en sacrifiant à Gambrinus. Reparti sur le champ de bataille, il s’y écroula ivre mort et fut compté parmi ceux-ci. Se réveillant à la morgue avec un terrible mal de crâne, il repartit aussi sec au combat, où il attrapa la première balle qui passait par là. On le reconduisit à la morgue où il fut compté pour la deuxième fois. C’était un type qui en valait deux.

Élisabeth Chamontin

Jean-Baptiste Maes était sur les barricades de Bruxelles en 1830. Il se prit un boulet en pleine poire, un soir de malheur et pourtant, il en valait bien deux... Il s’en était tant vanté auprès de ses amis, dont le graveur sur pierre officiel chargé d’éterniser l’évènement, que celui-ci lui rendit cet hommage discret autant qu’ésotérique...

Mais non ! Jean-Baptiste Maes, occis le 19 juillet 1830 dans le parc de Bruxelles, avait un frère jumeau, Jules-Bernard Maes, qui fut tué le lendemain. Le graveur chargé d’alimenter la stèle commémorative, ayant bu quelques bouteilles de Maes de trop, ce jour-là, ne se rendit compte de rien et grava distraitement deux fois le même nom.

Henry Landroit

Pourquoi Jean-Baptiste Maes, l’un des martyrs de la révolution, a-t-il eu deux fois son nom gravé sur la stèle ?

On peut attester qu’ils étaient plusieurs…
Plusieurs graveurs chargés de graver, je veux dire…
Et cette fois-là, la personne qui avait préparé leur travail avait constitué plusieurs listes de noms, qu’elle avait reproduits en lettres capitales romaines sur plusieurs feuilles : sans doute trois listes, peut-on estimer.
Mais, ainsi que cela arrive à nombre de tabellions qui officient dans de nombreuses mairies, celui-ci n’était pas infaillible.
S’étant interrompu à la fin de la première liste, pour aller déjeuner, il avait coché le nom de Jean-Baptiste Masse comme étant le dernier recopié sur le premier programme de travail qu’il venait de terminer, et qu’il remettrait le lendemain au premier de trois graveurs de service.
A son retour de déjeuner, il avait repris son travail en constituant un deuxième programme de travail destiné au deuxième graveur de service pour le lendemain. Il avait, en conséquence continué à transcrire en lettres capitales romaines, les noms des martyrs, en commençant par celui qu’il avait marqué comme étant le prochain nom à reproduire.
Et c’est ainsi que le nom de Jean-Baptiste Maes fut transcrit deux fois.

Nous avons pu reconstituer cet épisode de la création de la stèle des Martyrs et il a été possible de découvrir, lors de cette recherche, qu’un autre nom avait été recopié deux fois sur des listes de travail différentes : celui de Albert-Justinien Bloommaert. Cette deuxième erreur de transcription s’était produite au moment de la pause du goûter.
Toutefois, comme les graveurs travaillaient en 3 x 8, cette erreur aurait dû être exécutée lors de la relève du deuxième graveur par le troisième.
Fort heureusement, ce jour-là, le syndicat des graveurs avait organisé une grève des graveurs. Et le troisième graveur ne prit pas son service.

Wana

Depuis l’aube du christianisme, le culte des martyrs a, il faut le savoir, donné lieu à une multiplication exponentielle de reliques en tous genres. Ainsi, Sainte Julienne a-t-elle eu jusqu’à quarante têtes, toutes reconnues authentiques par le Vatican, qui à certaines époques n’était pas regardant. Pourquoi en serait-il autrement de la glorieuse Révolution belge de 1830, sachant que cette révolution était sanctifiée et bénie par la Sainte Église catholique, apostolique et romaine ? Ce qui est donc surprenant, c’est plutôt que Jean-Baptiste Maes, de Bruxelles, soit le seul dont la dépouille mortelle se trouve simultanément en deux endroits différents, derrière deux stèles situées à quelques mètres l’une de l’autre, et dont chacune porte son nom. Cette exception pose évidemment problème. Un seul cas ? C’est louche.
À mon avis, si on fait un jour l’inventaire des corps reposant derrière les stèles, et même en tenant compte
1°) de l’absence avérée du Duc de Mérode, dont le nom figure pourtant sur une plaque, ce qui pourrait bien dissimuler un autre martyr dédoublé,
2°) du fait que des enfants jouant sur le chantier auraient éparpillé au hasard quelques ossements,
en bonne logique on devrait se retrouver non en face de 466 cadavres plus ou moins entiers, mais de 800 ou de 1000, voire beaucoup plus.
À moins qu’il ne s’agisse d’un parfait homonyme, Jean-Baptiste étant un prénom des plus communs, et Maes un nom fort répandu. Quant au fait d’être natif de Bruxelles, ce n’est même pas un critère.
À moins que le brasseur Maes ait participé au financement de la stèle, et/ou à l’approvisionnement en boissons des graveurs,
À moins que…

Irène Rusniewski

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