Textes
écrits le 16/03/2013 à La Fonderie après la visite de l’exposition
consacrée au travail.
Animatrice : Coraline Soulier
Bruxelles
est une ville multiculturelle.
La
langue emprunte donc des termes issus de langues étrangères.
Chaque
participant donne à son voisin 3 mots étrangers à intégrer dans
son texte.
Avec
les mots catalans donnés par Françoise
corco :
fourmi
granota :
salopette
treball :
travail
Ils sont
là penchés, nombreux comme des corcos
appliqués,
en costume ou en granota
présent
ou absent à leur treball
Sont-ils
fiers ou tristes de leur granota,
De leur
existence de corco ?
C’est
un carcan pour eux que la granota
mais le
goût de bien faire leur treball
est
inscrit dans leurs veines de corco
ils sont
venus de loin pour ce treball
les mots
de là-bas tournent dans leur tête et jeter aux orties sa granota
ce
serait renoncer au treball
être
exclu de la tribu très belle des corcos
alors on
préfère garder sa granota
et
trier, malaxer, tanner, lessiver, bonne petite corco
au
service de la reine treball
Coraline
Soulier
(redonde
avec partenaire, mots empruntés au bruxellois : zwanze :
humour corrosif ; zot : fou ; gedacht :
pensée)
Un
jour, dans la rue, j’ai rencontré un zot
qui
n’avait à la bouche, ou presque, que zwanze
il
allait nu, blanc de farine, et gedacht
qui
prenait très bien sa source dans le zwanze
les
contraires s’allient : le futé, le zot.
Ce
sont des fusées vives, les mots du zwanze
avec
pointes et piques dans la gedacht
qui
font que j’aime qu’on me traite de zot
tant
je redoute la banale gedacht
reniant
le surréel, le non-sens, le zwanze.
Si
tu veux rafraîchir un peu la gedacht
donne-lui
quelques atomes pris au zot
qui
fauche le trop de raison par le zwanze
tu
seras décoré de l’ordre du zot
et
l’on entendra mieux, enfin, ta gedacht.
Jacques
Jouet
Telle
une cheffe d’orchestre devant sa partition fleurie de plastic
la
blanchisseuse est suspendue par l’instantané
au
milieu d’un moderato cantabile.
La
musique règle la chorégraphie des souples ouvrières,
dans
leurs mains les chemises se déploient comme les sept voiles de
Salomé.
Les
parfums se bousculent,
notes
trompettantes et tambourinantes d’un nouveau sacre du printemps.
Vous
avez vu les grands sacs de toile suspendus au plafond bas ?
Un
jour ils s’ouvriront,
déverseront
des vapeurs irisées de Méditerranée
et
de chaudes lueurs vibrantes
et
les blanchisseuses, devenues naïades,
riront
de bonheur.
Contrainte : inclure 3 mots d'une
langue étrangère, ici de l'estonien, dans un texte parlant de
l'expo.
Je reçois KARTUL : pomme de terre
KALIS : chéri(e)
NIRK : belette
Le dernier cultivateur de kartul à
Bruxelles c'était lui
Elle, dans son atelier, assemblait
des fausses toques de vison en nirk
Au bal du 1er mai ils s'étaient
rencontrés, tout de suite ils s'étaient plu
Il avait sussuré : kalis,
Elle avait répondu : kalis,
Comme ils étaient romantiques !
Il l'appelait « ma petite nirk »
N'était-ce pas attendrissant ?
Elle ne savait pas comment dire mon
petit chou en estonien
Aussi se fendit-elle d'un amoureux «
kartul ».
Chacun sait que les kartul bien cuites
Ont le coeur tendre comme une nirk
Rencontrant un blaireau cynique
Qui va lui raconter des salades,
Salades de kartul, comme il se
doit.
Pour son kalis tous les jours
Pour son kalis tous les jours
Kalis prépara de la nirk.
Mais quand il la trompa
C'est dans la purée de kartul
Qu'elle mit le poison.
Ainsi finissaient les histoires d'amour
dans le Bruxelles industrieux...
Cécile Schouten
Redonde
avec partenaire linguistique (néerlandais)
Tong
= langue gef = fou park = parc
Envers
et contre tout, il se rend au park.
Observant
les statues, il claque de la tong.
Qu’Edmond
ait été décapité, c’est gek.
Il
a froid et s’en veut de porter des tong.
Witamer
l’attire à la sortie du park.
Devant
ces gâteaux, il salive de la tong.
Trente
euros les macarons ! Seraient-ils gek ?
Il
regrette déjà son départ du park.
Tant
pis pour le prix, l’odeur le rend gek.
Les
boulangeries sont moins chères à ma
tong
Et
il aurait dû y
rester, pauvre gek !
Pourquoi
toujours être attiré par ce park ?
L’autre
côté, c’est les richards, l’autre tong.
Il
prend son gâteau et le déguste au park.
Ce
soir, il dort sur le trottoir, pauvre gek !
Laurence
Magnée
Avec
les mots népalais donnés par Madeleine :
Tashidelek
(merci),
Bodeyna
(je ne parle pas),
Namasté
(je salue le dieu qui est en toi)
Poème 1
Bruxelles
Saint Géry Plage bodeyna
Horloge
tripot postal tashidelek
Défense
de feuler namasté
Tahiti
Industrie bruxellisé namasté
Douche
froide mécanique bodeyna
Danger
d’explosion tashidelek
Bruxelles
circuit haussmanien tashidelek
Instantané
à feu nu namasté
Défense
de meuler bodeyna
Michèle
Minne
Poème 2
Gesticuler
namasté
Vapeur
charbon tashidelek
Écoute
s’il pleut bodeyna
Écoute
s’il neige bodeyna
Sueur
santé namasté
Recycler
tashidelek
Récupérer tashidelek
Moteur-ronron
bodeyna
Écoute
s’il vente namasté
Michèle
Minne
Avec
les mots anglais :
soap
punk
bastard
A
Manchester,
je
pointe à l’aube,
je
cours,je tourne,j’attends
l’heure
de la soap,
À
Manchester,
le soir,
après
le turbin,
avec les
copains,
on
s'boit des bières,
on
s'lâche, on est punk.
À
Manchester,
c’est
dur,c’est rude,
on n’est
pas en costard,
nous, on
est les bastards
ÀManchester,
on vient
de nulle part,
on est
bastard,
à deux
pieds dans la soap,
c’est
pour ça qu'le soir
on est
punk.
À
Manchester,
où
qu'tu sortes le soir,
t’es
punk
À
Manchester,où qu'tu rentres,
t’es
bastard
À
Manchester,où que tu restes,
c’est
pour la soap.
Mar
Bikx
Avec
les mots néerlandais :
deur
(porte)
rijden
(rouler)
handschoenen (gants)
Il faut que je quitte mon nid, mon ange. RIJDEN
handschoenen (gants)
Il faut que je quitte mon nid, mon ange. RIJDEN
De
l’usine, je passe la porte DEUR
J’enfile
mes gants HANDSCHOENEN
Je
ne suis plus moi-même
La
roue m’emporte
Il
faut tenir
Je
dois être efficace,
Je
dois être solide,
Je
dois être précis.
J’apporte
le pain ce soir
payé
de ma sueur,
payé
de ma souffrance.
La
roue m’emporte
mais
je donne le meilleur.
J’ai
confiance, je tiens.
Je
suis fier
de
mes forces.
Avec
mes camarades.
sommes
fameux gaillards.
Me
défends de certains
et
de leurs mauvais coups.
Je
lutte et me concentre.
Nourrir
ma famille.
Mon
fils plus tard
ne
travaillera pas ici.
Dans
ma tête, je rêve
Mais
la
roue m’emporte.
Je
tiens
derrière
ces murs
je
donne le meilleur.
Madeleine
Hanjoul
Avec
les mots néerlandais donnés par Élisabeth :
boterham
(tartine),
stuk
(morceau),
brusseleir
(bruxellois)
Nous
entrons dans une zone de travail
Vite,
vite planquez vos boterham(s)
Le
corps seul, mes frères, puise ses forces au fond de l’âme.
Défense
de fumer, même un stuk
Défense
de dévoiler sa nuque
Vite,
vite, attachez votre tuque !
(expression
québécoise : prendre ses précautions)
Col
bleu, col blanc, amis brusseleirs
Vite,
vite c’est l’heure de se pointer, mes frères
Priez
pour nous Sainte-Machine, Sainte-Bière.
Anne
Jaucot
Avec
les mots néerlandais donnés par Mar :
de
duivel (le diable),
een
boel (un travail),
vandaag
(aujourd’hui)
Un
travail pour manger ce soir, den duivel
Un
travail pour gagner quelques sous, den duivel
Un
travail pour soigner mes blessures, den duivel
Un
travail pour oublier
Mon
travail pour soulager tes maux, een boel
Mon
travail pour rencontrer mes amis, een boel
Mon
travail pour partager nos idées, een boel
Mon
travail pour participer
Notre
travail pour inventer un futur, vandaag
Notre
travail pour évoluer toujours, vandaag
Notre
travail pour s’amuser aussi, vandaag
Notre
travail pour exister enfin
Ou
peut-être demain.
Élisabeth
Biront
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